samedi 30 novembre 2013

Hors-Jeux n°2: ITW de MOISE THE DUDE


HORS-JEUX

Chaque mois une personnalité en retrait du monde médiatique, un artiste émergeant en quête de gloire ou de fortune revient sur son parcours et son actualité.
Les parallèles possibles entre le jeu vidéo et le rap sont très nombreux. On y parle tout autant de game, de style hardcore, d’une pratique, à ses débuts, aux mains d’amateurs éclairés (souvent seuls dans leur coin) devenue une industrie de masse. Ils s’affichent tout deux sur les murs (en graff et pixel art) et quelques artisans, de chacun de ces domaines, sont devenus de véritables stars - certains de leurs produits sont reconnus comme des chefs d'œuvres. Les médias "importants" en parlent en évoquant des phénomènes de société (souvent en mal) ou au contraire, dans de rares cas, « d’arts nouveaux et émergeants de l’industrie des loisirs ». Les jeux en eux même (de "parappa the rapper" à "50 Cent bulletproof"), les samples issus de jeux puis injectés dans le rap -à titre d'exemple on peut citer les sons de Street fighter 2 repris autant par NTM que par I AM- et les divers clins d’œil d’un monde à l’autre (nombreux sont les rappeurs modélisés) sont devenus légions.

Les parallèles possibles entre le jeu vidéo et le rap peuvent être nombreux. Cette interview pour le JT de Gameone (en direct de l'E3) comme pour finir de l’attester.


Il était donc on ne peut plus logique que cette rubrique « hors jeux » face un peu de « hors pistes », et donc accueille dans ses colonnes non pas un dentiste- acrobate, un vidéaste-charcutier ou un banquier- violoniste mais un rappeur- gamer (un rien retrogamer) : MoÏse The Dude. 

Salut Moise, j’ai une question d’el didou pour commencer (l’invité qui te précède) :
Qu’est ce qui fait qu’on est un homme Mr Lebowski ?
Eh, eh… c’est une question issue du film La réponse viendra donc directement  de la bouche de Jeff Bridges (ndr : ce personnage issu du film « The Big Lebowski », de Joel et Ethan COHEN, a inspiré le dernier album du rappeur). En français, ça donne ça (à peu près) :
Le Dude : Je sais pas, aucune idée Monsieur. M.Lebowski : Est-ce la capacité d’agir toujours à bon escient ? A n’importe quel prix. Est-ce que c’est ça qui fait qu’on est un homme ? Le Dude : Oui, ça et une paire de testicules.


Tu pourrais parler de ton passé de gamer ? Quels liens tu as avec les jeux vidéos ?
Aujourd’hui je ne joue plus à rien ou presque. Mon passé de gamer, c’est surtout l’arrivée de la Game Boy, de la NES, la Game Gear puis la SuperNES, la Megadrive etc, etc. J’étais aussi bien SEGA que NINTENDO. Les premières générations de consoles qui nous rendaient fous. C’était le cadeau de Noël ultime, le truc à avoir. Avec des jeux mythiques, Sonic, Mario, Mortal Kombat, Street Fighter, Aladin sur Megadrive, folie !! Mickey aussi, le jeu qui commence en noir et blanc là, il était dingue. NBA Jam évidemment « he’s on fire !! », Megaman, Double Dragon sur Game Boy qu’est-ce que j’ai pu jouer à tous ces trucs. Des trucs obscurs aussi dont j’ai oublié le nom mais qu’on a tellement kiffé à l’époque. Quand t’avais pas les thunes pour avoir TA console, tu squattais chez ceux qui en avait une et puis tu tannais les parents pour qu’ils cèdent, normal. En fait j’ai commencé à décrocher au moment de l’arrivée de la Playstation. J’ai pas trop joué à la Play, j’étais plus à vouloir traîner, à faire du basket, à m’intéresser au rap déjà un peu. Mais j’avais toujours ma Game Boy, la première ! Je me rends compte que j’ai eu accès assez tôt aux jeux vidéos car mon père avait Commodor 64, avec des grosses disquettes carrées souples et on avait pas mal de jeux déjà, « Boulder Dash », « Barbarians », des casses-briques, un jeu Rambo où je bloquais hyper vite mais qui me fascinait etc, etc. Donc pour quelqu’un qui est complètement étranger à cet univers maintenant, j’ai un petit vécu de gamer finalement.


Et ton passé de rappeur... Comment tu es venu au rap ?

Je suis venu au rap en tant qu'auditeur, via le rap français d'abord, avec Solaar par exemple, puis j’ai suivi jusqu'au rap ricain et ayant la volonté d'en savoir un maximum, je me suis forgé une culture en m'intéressant aux débuts de cette musique, j’ai remonté le temps pour avoir une vision complète ou presque. Je kiffais les sonorités, les gros beats, le travail du texte, c'était nouveau et hyper excitant. Et puis au fur à mesure je m'identifiais aux mecs, ce qu'ils me racontaient me parlait et/ou me faisait fantasmer. Par ailleurs j'ai toujours aimé écrire, j'ai toujours aimé les mots, la lecture et sentant le besoin de créer à mon tour je me suis mis au rap car c'était le truc qui me passionnait. De là, rencontre avec les potes du Bhale Bacce Crew, parenthèse avec le rappeur Soa le temps d’un maxi, puis les projets avec Cosmar et puis l’aventure en solo, le tout étalé sur un peu plus de 10 ans…avec beaucoup de métamorphoses !

Il y a un type, dans un type dans un de tes clips, avec un shirt "le rap c'etait mieux avant" , il prend une sacrée rouste...

Il représente les mecs de 20 piges qui sont nostalgiques d'une époque qu'ils n'ont pas connue. Ceux aussi qui pensent que le rap n'aurait jamais dû évoluer mais aurait dû rester bloqué au milieu des années 90, Surtout, ceux qui disent "le rap c'est (ça doit être) ça". Non. Le rap c'est plein de trucs. J'ai du mal avec la rigidité de ces considérations. Sûrement parce que je n'aurai pas les clics de ces mecs là ahahah.

Le rap c’est un feeling. Moi quand j’entends un rappeur je le juge sur plusieurs critères. Instru, attitude, discours, flow, technique. Et puis après je mets ça en perspective avec ce que j’ai déjà entendu. Et à partir de là seulement je me dis « ok c’est cool, y a un truc » ou au contraire « ça sert à rien, c’est creux et/ou c’est déjà entendu », mais je n’ai pas de préjugés à la base. 

A qui est-ce que tu penses "emprunter" le plus parmi ta collection de references ?

Dure question. J'ai plein de références liées au rap, à la littérature, au cinéma etc. Je ne vais pas faire de liste mais disons que je bouffe des trucs, je les digère et ça ressort d'une manière ou d'une autre dans mes raps. C'est des détails parfois. Des intentions, des citations. Pour l'EP forcément le Big Lebowski est présent, c'est le concept. Mais un morceau comme "(exit to) San Fernando", dont contre toute attente on me dit du bien, c'est un mélange de narration à la Gainsbourg (pour le côté parlé, quelques jeux de mots etc) et de récit à la Bret Easton Ellis (pour le côté porno-drogue-los-angeles).


Combien de temps il te faut pour "pondre" un titre...Comment ça se passe d'ailleurs (la musique, tu l'ajoutes après les textes ou c'est l'inverse) ?

C'est complètement aléatoire ! Ca peut me prendre 20min comme 3 mois. C'est totalement au feeling, je note régulièrement des bouts de textes sur mon mobile et puis de fil en aiguille ça prend forme. Parfois une phrase peut amener tout le reste rapidement, parfois je fais du bricolage avec toutes mes notes et je donne forme à quelque chose qui me semble suffisamment cohérent et abouti pour en faire un morceau. Après tout dépend de la musique aussi. Parfois je vais écouter une instru qui va me donner tout de suite un flow, et le texte qui va avec, parfois j'écris le texte sans savoir quelle instru je vais utiliser. Il arrive également que j'ai un début de texte et que je finisse le morceau après avoir trouvé la musique qui va avec, ce qui peut aussi m'amener à écrire "en studio". Juste avant d'enregistrer. Je n'ai pas de routine particulière.

Au fait, hier, tu étais plus I am ou ntm ?

Les deux !! Ils ne faisaient pas le même rap et c'était complémentaire. NTM c'était influence gros son New-Yorkais et la force d'un message à la fois simple mais très bien tourné et très bien rappé, avec l'irréverence des mauvais garçons. Et IAM c'était quelque chose d'un peu plus ouvert musicalement et au niveau des textes avec des concepts, des choses presque plus littéraires. Akhenaton est un des meilleurs rappeurs français. Cela dit je ne les écoute plus aujourd'hui. NTM n'existe plus et ce que fait IAM maintenant ne me touche pas ou très peu. J'ai essayé de tendre une oreille sur le dernier album et sur le dernier solo de Shurik'n mais je m'ennuie assez vite. Le dernier solo de Joey Starr était plus intéressant d'ailleurs, même si je ne l'ai écouté qu'une fois et n'y suis jamais revenu. 

Aujourd'hui, Booba ou roff ? 

BOOBA. Sans l'ombre d'une hésitation. C'est un des rares MC à faire vivre le rap français, créativement parlant. Il fait constamment évoluer son flow, il cherche toujours à être à la pointe et tu sens que le mec veut se surprendre lui-même, il prend plaisir à jouer sur les mots, avec son flow, à tenter tel ou tel truc, il joue avec sa voix (et même sans autotune), il cherche des rythmiques, des nuances, il y a beaucoup de musicalité dans son rap, il va falloir que les gens s'en rendent compte. Ca groove. C'est un artiste. Rohff je ne supporte pas. J'aime pas sa voix, j'aime pas son flow, je me fous de ce qu'il raconte, c'est poussif. Je n'ai jamais réussi à écouter un morceau en entier (à part peut-être ses tout débuts), je trouve ça très laid à l'oreille. Puis le mec est dans la compèt, mais il ne fait que suivre, il n'est jamais devant. Je ne comprends pas qu'il y ait encore comparaison entre ces deux là (au delà des ventes). 

Tu as grandi dans quelle ville, Mo, dans quel quartier ? Et tu traines où en ce moment...?

J'ai grandi à Mainvilliers, en banlieue de Chartres en Eure et Loire (2-8), c’est à une heure de Paris en train. C'est un mélange de zones pavillonnaires et de cités. Je traînais beaucoup dans les cités qui étaient à côté de chez moi avec des potes de quartiers (Avenue de Bretagne !). Des reubeus en Lacoste qui écoutaient des compils de funk et de r’n’b et du rap français, un peu. Je traînais sur les terrains de basket aussi. Je suis Parisien depuis 10 bonnes années désormais, je dirige un réseau de putes chinoises vers la Place Clichy.

^^ Combien tu vends aujourd'hui, et pour demain, tu comptes faire quoi ?

Aujourd'hui, avec ce projet là je ne vends rien car j'ai choisi de diffuser mon son gratuitement. Dans un univers aussi durement concurrentiel et financièrement sinistré que le rap et vu que je fais un truc un peu à part, je ne veux pas me priver d'une audience pour 5 ou 10 euros. Je gagne de l'argent sans la musique et ceci finance cela et plus encore. Y en a qui se payent des voitures, moi je me paye des clips et surtout, je me fais plaisir. Demain je ne compte pas vendre grand chose non plus. C'est aussi une liberté, je n'ai pas d'objectifs de rentabilité, je fais ce que je veux à tous niveaux. Mon but c'est de grossir mon audience autant que possible, que les gens m'écoutent, aiment et partagent, que mon blaze se fasse tranquillement sa petite place. Si argent il y a, ça viendra après. Mon audience est diverse. Une partie vient de ceux qui m'écoutaient quand j'étais dans le Bhale Bacce Crew, une partie a pu suivre aussi mes aventures musicales avec Cosmar et une partie est toute neuve et me découvre avec l'EP et les clips. Après je ne saurais pas te dire les tranches d'âge, le sexe etc...J'aime croire qu'il y a un peu de tout. J'aime aussi bcp quand des gens qui n'écoutent pas trop de rap apprécient ce que je fais et ça arrive régulièrement….même si le revers de ça c’est que parfois ce sont des gens qui ne comprennent pas vraiment le rap ;).

Quels sont tes influences ? (niveau son, écriture, "savoir vendre"...)

Niveau son, j'aime tout ce qui est lent et un tantinet synthétique. Soit quelque chose qu'on trouve surtout au sud des US. Du gros clap, de l'infrabasse, des nappes, c'est ce que j'aime.

A côté de ça, je suis aussi un gros gros fan de Jim Jones (Dipset - NewYork) par exemple. J'aime bien aussi des mecs comme Dom Kennedy (Los Angeles), ça m'inspire vraiment.

Côté France, c'est varié, j'aime bien les trucs à la cool façon Frer200 mais aussi beaucoup de trucs un peu plus vénèr et/ou sombres comme Vîrus, La Rumeur, Kaaris, Booba, Salif, Seno, etc. J'aime bien l'insécurité - même folklorique -, dans le rap français. Et moi-même, en fait, je ne fais jamais des morceaux franchement souriants, j'y arrive pas. Faut qu'il y ait du tourment, qui peut aller de la mélancolie à la haine. La haine smooth, bien sûr !


Le savoir vendre c'est un truc d'autodidacte et principalement basé sur internet. Tu fais du son, tu veux viser un nouveau public, tu veux que ça soit écouté...tu n'as pas trente six solutions, tu prends ton courage à deux mains et tu fais du mailing, tu vas vers les gens, tu deviens attachée de presse et community manager, tu vas serrer des paluches, t'approches des gens que tu apprécies et qui sont susceptibles d'apprécier ce que tu fais...Au bout d'un moment et avec quelques conseils tu finis par avoir de la méthode, c'est plus naturel à faire. J'essaye de rester moi-même et d'être poli. Quand je veux que quelqu'un écoute mon son, je propose, après ça suit ou pas. Mais ça reste un boulot à plein temps qui fonctionne beaucoup sur la construction d'un réseau et dont les fruits ne sont ni immédiats ni garantis. Surtout qu'à la fin c'est l'auditeur qui choisit. Cela dit il y a parfois de beaux échanges avec des gens que tu ne vois pas forcément physiquement mais avec qui tu sens de vraies affinités et c'est très agréable. 

D'où est ce que tu tiens ta spécificité d'après toi ? Ton style...

De la volonté semi consciente de faire un truc qui ne ressemble pas à grand chose d'autre et un truc qui soit proche de mon rythme cardiaque ahah. Rapper vite sur du boom bap à 90bpm avec plein d'allitérations et autres je peux, je l'ai fait longtemps. Mais d'une part ça ne ressemble pas (plus) à ce que j'ai envie d'écouter et d'autre part y a plein de mecs qui le font mieux que moi. Y a tellement de monde qui fait du rap que je préfère me démarquer et creuser un sillon qui m'est propre. Sachant sur quel type de prod je peux être bon, je mélange ensuite mes influences et mes références, et ça donne...ce que ça donne. J'ai des envies, des idées, une volonté et après j'arrive ou pas au rendu souhaité.

Comment peut on se procurer ton album ? As-tu des pistes pour le distribuer à plus grande échelle ?

Hm...une production à grande échelle, ça ne dépend pas vraiment de moi en fait. Si ça arrive c'est que j'aurais signé quelque part, ce qui pour l'instant est une hypothèse très....hypothétique ;). Bandcamp, la plateforme où se trouve le premier EP est un bon outil de distribution digitale pour les indés comme moi. Les gens peuvent payer ou non, choisissent le format des fichiers qu'ils téléchargent, peuvent partager et télécharger toute l'oeuvre ou juste un morceau, peuvent aussi écouter sans télécharger donc c'est souple et pratique pour tout le monde. Je signale que l'EP est distribué sur itunes, amazon, deezer, spotify et autres plateformes d'écoute et téléchargement légal. Je l'ai fait car je n'avais aucune raison de m'en priver. Autant que les sons soient partout. A part ça...à part être distribué en physique dans les Fnac de France ce qui serait dans ma situation actuelle une erreur stratégique et financière, je ne vois pas trop ce que je peux faire de plus, en fait.

Quels sont tes trois dernières acquisitions- en musique, jeux vidéo et dvd ?

Alors en musique...le dernier album de Dom Kennedy (L.A.), la dernière tape de Chazzy Sweat un rappeur texan et un vieil album de Playa Fly, rappeur de Memphis, ancien de Three 6 Mafia.

En Blu-ray/DVD : « Zero Dark Thirty », « Les bêtes du sud sauvage » et « La naissance d’une nation »

En Jeux Vidéos : alors là....Angry Bird ça compte ? Mario Galaxy, Super Mario Bros Wii,...en fait ça fait mille an que j'ai pas acheté un jeu vidéo..Je ne joue plus qu’ à Mario Kart avec mon frère quand on se retrouve chez les parents.


Quel est LE FILM, L ALBUM et LE JEU VIDEO que tu rangerais dans la catégorie "Meilleurs (album, film, jeu vidéo) de tous les temps dans l'histoire de l'humanité " ?

Sache que cette question est absurde !! C'est impossible de choisir. Mais je vais jouer le jeu en me permettant des exaequo ;).

Le Film : "Sonatine" de Takeshi Kitano exaequo avec "Heat" de Michael Mann

Album : "ATLiens" d'Outkast, Portishead Live in NYC.

Jeu Vidéo : Tetris, Super Mario (version première gameboy), BART SIMPSONS ESCAPE FROM CAMP DEADLY (qu'est-ce que j'ai pu jouer à ce jeu putain !! Il était dur!!)

Bouquin : "La famille Royale" de William T. Vollmann, mais « Voyage au bout de la nuit » que je découvre actuellement, me met un grosse claque.


Des projets futurs ?

La suite de l'EP, avec sûrement des clips et du visuel. Je croise les doigts pour être inspiré déjà, et que les gens accrochent comme sur le premier volume ensuite !

Une question pour l'invité du mois prochain ?

Je ne sais pas qui tu es ni ce que tu fais (à priori du dessin) mais ma question est la suivante : Est-ce qu'il y a un truc, un objet, un lieu, un personnage whatever, que tu n'arrives pas à dessiner ? Genre tu peux le dessiner mais ça ne te plaît pas, il y a quelque chose qui t'échappe, tu n'es jamais content du résultat ?

Merci Dude ^^ !

Pour continuer à suivre, c'est par ici  +Moïse The Dude. Pour écouter l'album (avec un son optimisé) c'est mieux par  sinon.

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